Gestion Active de la Dette

Voilà un point de Conseil Communal qui nous a demandé beaucoup d’efforts pour en comprendre les différents éléments.

D’abord, le terme, Gestion Active de la Dette, qui donne une impression positive, active, volontariste. Néanmoins, c’est comme la prose de Mr Jourdain, nous en faisons tous sans le savoir, quand nous choisissons une durée pour un financement, quand nous hésitons entre un taux fixe et un taux variable, quand nous rachetons notre prêt hypothécaire pour bénéficier de taux bas.

Quels sont donc les éléments sur lesquels on nous propose de décider ?

  1. Les taux d’intérêt (variables ou fixes)
  2. Le type d’amortissements (amortissements progressifs ou amortissements constants)
  3. La durée de calcul des intérêts et la fréquence de remboursement (mensuel ou trimestriel)
  4. La durée totale des emprunts

J’ai donc analysé les différents points pour voir si c’était de la gestion « en bon père de famille » (en tant que personne prudente et raisonnable) ou de l’ingénierie financière.

  1. Les taux d’intérêt

On nous propose de passer en taux fixe pour une série d’emprunts qui ont un taux variable révisable annuellement.  Dans la situation de taux en augmentation à court terme, cela paraît en effet prudent et raisonnable de fixer le taux, même s’il est un peu plus élevé.  Nous n’avons pas de raison objective à nous y opposer à moins d’une mauvaise négociation du taux.  Pour les autres emprunts déjà à taux fixe, on nous propose des taux fixes plus élevés que le taux que nous avons déjà. Merci, mais non merci. C’est probablement lié à l’étalement des emprunts, j’en parlerai plus tard.

  • La progressivité des amortissements

L’amortissement progressif, c’est ce que la plupart d’entre nous avons pour notre prêt hypothécaire : on rembourse tous les mois la même chose, mais au début, on paye plus d’intérêts et on rembourse moins de capital, et au fur et à mesure du remboursement, la part de capital augmente et celle des intérêts diminue.  Au contraire, en amortissement constant, on rembourse chaque fois le même montant de capital, et on rembourse de moins en moins d’intérêts. Notre mensualité diminue.  Ici a priori, même si on est plus habitué à l’amortissement progressif, les entreprises et les collectivités préfèrent généralement rembourser le capital de manière constante, ce qui correspond plus à la valeur d’amortissement de l’objet financé et qui permet d’alléger les remboursements au fil du temps.  Ici, on nous propose dans le scenario 1 de garder un remboursement constant. Cela pourrait s’envisager puisque les remboursements s’allègeraient avec l’inflation naturelle, mais disons que nous ne sommes pas fan et préfèrons le scenario 2 : amortissements constants.

  • La durée de calcul des intérêts et la fréquence de remboursement

Si on calcule nos intérêts sur un trimestre plutôt que sur un mois, nous augmentons les intérêts payés à la banque : au lieu de rembourser tous les mois et de calculer les intérêts sur le solde restant, nous ne rembourserons que 4 fois par an et nous aurons donc des marches plus grandes avec des intérêts comptés sur tout un trimestre. Au final, ce sera plus dur au moment du remboursement ; il faudra sortir plus de trésorerie et nous payerons donc plus cher. Sans doute pas énormément mais je n’ai pas les moyens de calculer cela avec précision. Disons que nous ne sommes pas favorables à passer en trimestriel.

  • La durée totale des emprunts

Alors là, c’est la partie la moins acceptable de la proposition : passer à 20 ans ou 30 ans les différents emprunts qui sont actuellement à 15 ou 20 ans. C’est repousser le poids de la dette sur les générations futures. Non seulement cela va nous coûter entre 2 millions 122 mille et 2 millons 388 mille euros de plus, mais en plus c’est pour permettre à la majorité, maintenant, en deuxième moitié de législature, de « dégager des marges de manœuvres budgétaires ». Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous allez dépenser à court terme, avant les élections de 2024, l’argent des générations futures pour pouvoir lancer des projets. Et qu’est-ce qui permet de reporter le remboursement sur nos enfants ? La spéculation que tout va aller mal : que les intérêts vont continuer à augmenter, que l’inflation sera incontôlable et qu’en 2034 par exemple un demi-million d’euros à rembourser, ce ne sera plus rien.  Alors, parfois les spéculateurs ont raison, et ça peut marcher. Mais d’un côté nous ne serons plus là pour le voir et on s’éloigne de la notion de « personne prudente et raisonnable ». Pourtant, une publication récente disait « nous voulons léguer à nos enfants une ville où il fait bon vivre et où l’on entrevoit l’avenir avec durabilité et sérénité ».

Vous allez donc faire sur le dos des générations futures des projets qu’on va trouver chouettes aujourd’hui et qu’ils payeront 10 ans de plus. En 2032, au lieu de n’avoir plus que 14 mille euros à rembourser par an, ils devront payer plus de 500000 € encore pendant 10 ans en fonction du scénario choisi.

Et ce qui m’inquiète encore plus, c’est qu’à eux, on va retirer toute possibilité de pratiquer eux aussi la gestion active de la dette : une clause prévoit, je cite, « Toute opération non prévue contractuellement est assimilée à une résiliation unilatérale du contrat par l’administration. Dans ce cas, la banque a droit à une indemnité qui correspond à la perte financière réellement encourue et ce, y compris le manque à gagner pour la banque. »

En clair : si nos successeurs veulent restructurer leur dette pour faire des économies, ils devront payer à la banque le « manque à gagner ». Et cela transforme notre gestion active de la dette en gravure dans le marbre, pour 30 ans, de conditions que l’on impose au futur.

En conclusion : oui pour les taux fixes, plutôt non pour un amortissement progressif, non pour les payements trimestriels et absolument pas pour l’étalement des emprunts, encore moins dans ces conditions. Il s’agit d’une vision à court terme de la gestion de la dette qui permettrait de financer de nouveaux projets au cours de cette législature, mais reporterait le poids de la dette dans le futur, sur la prochaine législature et les générations suivantes.

C’est pourquoi le groupe Ensemble a décidé de voter contre ce point.

Suite à cette intervention, l’Echevin des finances-Bourgmestre-Président du Conseil a précisé (en perdant un peu son calme) qu’il ne s’agissait pas de projets pré-électoraux mais de faire des provisions pour des dépenses qui vont nous tomber dessus.  Cela ne nous rassure pas : les générations suivantes payeront encore et il n’y aura même pas de projets réalisés. Il nous a également dit que les suivants pourraient continuer à faire de la gestion active de la dette malgré la clause de la banque.  Probablement, mais sans en tirer d’avantage : pourquoi la banque insisterait-elle pour changer la clause d’indemnité de réemploi en clause de remboursement du manque à gagner ?  Nous n’avons pas été convaincus, mais il paraît que c’est parce qu’on n’y connaît rien et que nous aurions dû demander des explications. A suivre, en 2052 quand on aura fini de payer…